Depuis combien de temps exercez-vous en tant qu’expert immobilier ?
J’exerce dans cette branche d’activités depuis 2002 et cela fait depuis fin 2011 que je suis à mon propre compte en tant qu’expert immobilier et opérant dans l’évaluation de tous types de biens en valeur locative et valeur vénale et spécialisé dans la propriété commerciale.
Expert judiciaire inscrit depuis le 1er janvier 2013 sur la liste de la Cour d’Appel de GRENOBLE, je viens d’être réinscrit pour une durée de 5 année à compter du 1er janvier 2026 sous les 4 rubriques C.18.
Quel est pour vous le rôle d’un délégué Régional ?
Le rôle de délégué régional de la CNEJI répond à mon sens à plusieurs besoins :
- Être le représentant des Experts CNEJI au sein de la Compagnie des experts de justice de Grenoble mais également être le référant de la CNEJI et promouvoir, notamment auprès des Magistrats, notre savoir-faire et nos qualifications d’expert immobilier CNEJI
- En présence de Compagnies judiciaires pluridisciplinaires qui ne disposent pas de Compagnie d’experts immobiliers structurée – ce qui est le cas de le Cour d’appel de Grenoble qui regroupe toutes branches confondues 169 membres titulaires, 16 membres honoraires et 88 membres stagiaires – créer du lien et du soutien à tous les membres experts immobiliers inscrits sur la liste pour mieux se connaître et créer une dynamique de groupe dans un esprit de bienveillance et de confraternité
- Être un référant pour l’ensemble des intervenants qui apportent leur concours à la justice – Magistrats et Avocats notamment – et développer une relation étroite avec ces derniers pour faire face aux évolutions qui impactent nos missions d’experts judiciaires : nous pensons à l’usage de systèmes d’intelligence artificielle de plus en plus prégnant dans nos activités ou encore à l’impact du Décret du 18 juillet 2025 portant réforme de l’instruction conventionnelle et recodification des modes amiables de résolution des différends
- Mettre à disposition des formations appropriées aux experts immobiliers y compris en inter- compagnies
- Proposer et soutenir l’organisation de manifestations nationales telles que les Universités d’Automne de la CNEJI. Les dernières se sont déroulées à Biarritz avec la complicité de Madeleine PERRIN, Déléguée régionale sur la Cour d’Appel de PAU. Ce fut une très belle réussite, bravo à elle !
Combien d’experts judiciaires évaluateurs avez-vous dans le ressort ? Qui sont les experts CNEJI du ressort les connaissez-vous ?
Sur la Cour d’appel de GRENOBLE, nous sommes 22 experts agréés auprès des tribunaux et inscrits sur les listes C.18 et dont 5 d’entre nous sont membres de la CNEJI : Claude PASCAL, Pierre AMOUROUX, Jérémie GLENAT, Aurélie MARIN et moi-même.
Combien y a-t-il de TJ dans le ressort de la CA de Grenoble ?
Le ressort de la Cour d’Appel de GRENOBLE intègre les tribunaux judiciaires de Gap, Valence, Vienne et Bourgoin-Jallieu.
Quelles sont les actions menées dans votre région avec les TJ et les experts ?
Depuis la mise en place des délégués régionaux et du fait de la proximité avec la Cour d’Appel de CHAMBERY (à 30 minutes en voiture), avec mon Confrère Arnaud FRERAULT, nous proposons deux formations par an en inter-compagnie en visio et ou en présentiel :
- la première s’est tenue le 17 mars 2025 pour présenter notre rôle de délégué régional de la CNEJI et nous a permis d’échanger avec Maître Nathalie AUDEOUX pour faire un point également sur les attentes entre Avocats et Experts immobiliers, dans le cadre de nos missions judiciaires et sur nos pratiques expertales. Cette première manifestation en présence de Sophie MUTTER, Présidente de la CNEJI, a permis de réunir une quinzaine d’experts
- la seconde se tiendra le 17 décembre 2025 en visio et en présentiel et portera sur la présentation de la 6ème édition de la Charte de l’Expertise en Evaluation Immobilière que j’aurai le plaisir d’animer en compagnie de Jean-Yves BOURGUIGNON, membre de notre compagnie et ancien président du Comité d’application de la Charte
Qu’apporte pour vous la CNEJI aux experts Judiciaires ?
L’appartenance à la CNEJI apporte plusieurs atouts aux experts judiciaires :
- une formation continue de très haute qualité à travers de nombreuses manifestations permettant de répondre aux exigences de nos activités à fois en tant qu’expert immobilier et en tant qu’expert de justice
- un réseau permettant d’échanger et de développer des liens entre experts immobiliers sur même secteur
- pour tout expert membre de la CNEJI, c’est également une référence de qualité et de savoir-faire professionnel auprès des Tribunaux
Quelles sont, selon vous, les spécificités économiques et urbaines de votre région ?
Le territoire des Hautes-Alpes est un territoire fortement marqué par l’activité touristique. Aussi, il présente un tissu de résidence secondaire très développé. Il a également la particularité de d’accueillir un parc immobilier très énergivore et tout particulièrement en station de ski. Les grosses constructions réalisées dans les années 60 – 70 sont très peu performantes … La rénovation énergétique est donc un enjeux majeur dans nos territoires, tout en soulignant que l’impact de la zone climatique et de l’altitude dans le calcul du DPE sont forcément notables.
Quels sont les principaux points forts du territoire sur le plan immobilier ?
L’identité architecturale est le plus possible préservé car il s’inscrit dans un environnement naturel exceptionnel.
Dans le neuf, les programmes doivent intégrer une esthétique d’immobilier de montagne avec de la pierre apparente et du bardage bois en façade, des toitures en lauze ou en bardeau sur de belles charpentes en mélèze …
Pour l’immobilier ancien, la rénovation des bâtiments doit être de qualité et répondre aux attentes des Architectes des Bâtiments de France.
Ainsi, dans la Vallée de la Clarée et la Vallée étroite, membre du réseau des Grands sites de France, toutes réhabilitations ou constructions neuves doivent répondre à un guide architectural et paysager respectant l’environnement et l’architecture montagnarde.
On relèvera également que la consommation foncière y est fortement encadrée au niveau du SCOT, qui limite cette consommation sur le secteur du Briançonnais à 1 à 2 % par an. La rareté du foncier tire ainsi naturellement vers le haut le marché des terrains à bâtir … Ce qui est rare coûte cher !
Quels freins rencontrez-vous dans l’exercice de vos missions sur ce territoire ?
En dehors de l’obtention de transactions les plus récentes possibles, mais cela est vrai sans doute sur l’ensemble du territoire national, je ne relève pas d’autre frein particulier.
Existe-t-il une inadéquation entre l’offre immobilière et la demande locale ?
Si la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le département des Hautes-Alpes et le secteur du Briançonnais connaissent également un ralentissement des volumes des ventes, revenant ainsi progressivement à un certain équilibre, le marché reste tendu sans véritable baisse des prix à l’exception de quelques rares secteurs.
En effet les effets « post Covid » se font toujours ressentir avec sur l’année 2025 :
- une demande toujours forte de personnes souhaitant se mettre au « vert » dans un environnement protégé et au calme
- des citadins (parisiens, lyonnais, grenoblois, marseillais voire niçois) qui cherchent à s’installer soit définitivement en résidence principale par choix de vie ou grâce au télétravail … soit en résidence secondaire avec l’idée de s’installer plus tard à la retraite.
Cette tendance risque de se poursuivre dans le contexte à venir des JO 2030 dans les Hautes-Alpes et rendra encore plus difficile l’accession à la propriété pour les habitants locaux … Aussi, l’offre immobilière locale peine à satisfaire ces dichotomie de demandes, mais que l’on constate sur de nombreuses stations touristiques an France !
Qu’est-ce qui vous motive le plus dans l’exercice de votre profession sur ce territoire ?
Deux motivations principales m’animent :
- la richesse des échanges que l’on peut avoir avec nos différents contacts qui font la vie économique locale (particuliers, entreprises, représentants consulaires, associations de commerçants, personnes publiques …)
- et la grande variété des produits à évaluer qui ne se limitent pas à l’appartement ou à la maison individuelle en résidence principale ou secondaire, mais peut porter également sur des demeures d’exception, des produits haut de gamme comme une simple grange …, des refuges, des chalets d’estive, des bergeries mais également de l’immobilier professionnel touristique : hôtels, refuges, centres d’accueils, centre de vacances, résidences de tourisme … ou encore des locaux d’activités : entrepôts, ateliers d’entretien et de réparation d’avions …
Auriez-vous un conseil à donner à un jeune professionnel souhaitant exercer dans la même région ?
Pour s’implanter dans notre région, il ne faut pas craindre d’aller à la rencontre des gens, montrer que l’on est curieux et que l’on a soif de participer à la vie locale, tout en étant près à écouter le marché, à se former et à monter en compétence.
La grande variété des missions à laquelle il faut répondre et la diversité des produits à évaluer sont de véritables défis qui nous invite à nous renouveler en permanence … et ainsi nous permettre de prendre de la hauteur (sans mauvais jeu de mot !) et avoir ainsi le ton juste et sans excès dans nos évaluations.
Un dernier mot ou une anecdote sur votre expérience locale ?
Je donnerai juste là l’exemple d’un produit totalement atypique auquel je ne m’attendais pas à trouver dans notre belle vallée de Serre-Chevalier … où la pratique du ski règne en maître !
Il y a déjà quelques années, j’ai en effet été amené à évaluer un ancien relais de chasse à travers laquelle j’ai pu traverser les siècles, que dit-je des millénaires …
Les sous-sols de cette bâtisse de 1 500 m² développés et nichée au sein d’un parc de 5 hectares, étaient d’anciens thermes romains (très bien conservés et à quelques mètres sous terre elles offrent d’excellentes conditions de conservation pour les vins étiquetés au nom du domaine …). Le rez-de-chaussée, entièrement voûté, remontait au moyennage, tout comme la chapelle extérieure qui offrait des peintures du XVème siècle dans un bon état de conservation avec des couleurs vives … Les pièces des étages supérieurs étaient toutes couvertes de peintures au pochoir réalisées sous le 3ème Empire … Enfin, les façades présentaient une modénature digne d’une « insula » (maison romaine).
Bref, à travers ce bien d’exception, … une véritable page d’Histoire à lui seul à quelques centaines de mètres du départ des remontées mécaniques ! La visite à durée toute la journée au lieu de quelques heures initialement prévues … Quand la passion nous rattrape !