Entretien avec Madeleine PERRIN, déléguée de la Cour d’appel de PAU par Audrey FELICETTI, responsable des délégués régionaux

11 septembre 2025

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Madeleine PERRIN, j’ai obtenu un Bac + 5 en droit immobilier à la faculté Robert Schuman à Strasbourg. J’ai d’abord exercé dans les métiers de la transaction et de la gestion immobilières avant de devenir juriste en immobilier.

Il y a 18 ans, j’ai choisi de m’installer dans les Landes pour l’océan, la nature et la montagne pas très loin … Un cadre de vie des plus agréables. Mais, avec un niveau d’emploi alors peu développé et des perspectives d’évolution très limitées.

Ce qui m’a obligé à m’interroger sur le fait de rester salariée.

Depuis combien de temps exercez-vous en tant qu’expert immobilier ?

Cela fait 10 ans cette année que je me suis installée à mon compte en tant qu’expert immobilier en valeur vénale et locative. J’ai choisi ce métier car il me permet de travailler en adéquation avec mes valeurs que ce soit auprès des clients ou de mes partenaires et de traiter des dossiers aux problématiques variées.

En 2016, j’ai prêté serment près la Cour d’Appel de Pau.

En 2020, j’ai eu l’opportunité d’acquérir des bureaux à Capbreton.

La majorité de mes missions se font dans un contexte amiable ou pré-contentieux.

Je suis plutôt bien identifiée sur la valorisation des biens immobiliers d’entreprises : murs, valeur locative, fonds de commerce ou indemnité d’éviction. Il s’agit le plus souvent de valorisation comptable, d’IFI ou de transmission notamment dans le cadre du Pacte Dutreil ou encore des rapports entre propriétaires et locataires dans le cadre des baux commerciaux.

Même si j’évalue aussi régulièrement des biens d’habitation principalement dans les cas de séparation ou des sorties d’indivision.

 

Quel est pour vous le rôle d’un délégué Régional ?

Le dispositif des Délégués de région a été instauré par délibération des membres du bureau et notre présidente en 2024, j’ai l’honneur de représenter les experts CNEJI près la Cour d’Appel de Pau depuis .

Je pense que l’idée est de créer un lien entre les experts, de s’entraider lorsque c’est possible.

Mais, également de créer une dynamique permettant de faire connaître les actions de la CNEJI auprès des professionnels ayant recours à nos services.

Notre métier prend de l’importance dans le règlement des dossiers traitant d’immobilier et il est nécessaire qu’il soit exercé par des professionnels compétents, aux valeurs identifiées de neutralité et de déontologie.

Je suis d’autant plus impliquée que les Universités d’Automne de la CNEJI auront lieu à Biarritz les 25 et 26 septembre prochain. L’occasion de faire découvrir notre territoire aux experts de toute la France. Aussi, j’étais ravie de pouvoir participer à l’organisation de cet évènement en lien avec mes consœurs et confrères du secteur.

 

Combien d’experts judiciaires évaluateurs avez-vous dans le ressort ? Qui sont les experts CNEJI du ressort les connaissez-vous ?

Sur notre secteur, nous sommes 28 experts en valeur vénale et locative agréés près des tribunaux.

5 font partie de la CNEJI : Mélanie LAPEYRERE sur Bayonne, Benjamin GALY, Michèle BORDENAVE sur Pau, Jean Christophe LAPALU à Tarbes et moi-même à CAPBRETON.

 

Combien y a-t-il de TJ dans le ressort de la CA  de Pau ?

Le ressort de la Cour d’Appel de Pau intègre les tribunaux de Dax, Bayonne, Pau et Tarbes.

 

Quelles sont les actions menées dans votre région avec les TJ et  les experts ?

Avec mes deux confrères, Mélanie et Benjamin, nous avons proposé, une formation sur notre métier d’expert évaluateur : magistrats, avocats et experts se sont retrouvés en avril dernier au tribunal judiciaire de Bayonne, en présence de Madame La Présidente, pour échanger sur nos missions, et les attentes de chacun. Ce moment a été apprécié par l’ensemble des acteurs présents.

Nous nous retrouvons également pour préparer le prochain évènement de la CNEJI qui aura lieu à Biarritz. Ces moments nous permettent d’échanger sur nos pratiques, sur le marché de l’immobilier et de créer des liens de confraternité importants.

 

Qu’apporte pour vous la CNEJI aux experts Judiciaires ?

La force d’un réseau : la formation continue, se tenir à jour des nouveaux textes …

S’assurer que l’on répond toujours aux attentes du métier.

Développer ses propres compétences par l’échange entre experts, la participation à des actions, colloques.

Et participer également à l’évolution positive de notre métier par des réflexions, des remises en question, des propositions ; je trouve cela passionnant.

Et le petit plus, la création de liens avec des membres exerçant le même métier.

 

Quelles sont, selon vous, les spécificités économiques et urbaines de votre région ?

Dans les Landes, je n’évalue quasiment que des maisons ou villas. La part des immeubles collectifs est assez faible sur la plupart des communes surtout à l’intérieur des terres.

Par ailleurs, il n’y a pas de « grandes villes ». Dax : sous-préfecture des Landes : 21 716 habitants. Les communes le long de la côte : entre 3000 et 13 000 habitants.

Chaque commune a sa propre histoire, sa propre culture et l’immobilier en fait partie.

A l’expert de s’intéresser chaque fois au secteur dans lequel il intervient.

Pour les murs commerciaux, ce sont principalement des hypermarchés, des murs industriels, ou artisanaux. Et dans la spécificité de mon secteur, j’évalue régulièrement hôtels et campings ou encore des établissements thermaux.

 

Quels sont les principaux points forts du territoire sur le plan immobilier ?

La préservation de l’identité des communes malgré l’attrait touristique.

Une architecture reconnaissable avec des airials, des maisons landaises, à l’intérieur des terres ou le long de la côte.

L’exemple le plus significatif est sans doute Soorts-Hossegor qui a su préserver ce qui a fait la renommée de la station : des villas construites au sein d’un environnement naturel fait de pins et de chêne-liège qui reste encore aujourd’hui intact.

Par ailleurs, c’est un secteur qui dispose encore d’un foncier important avec la possibilité de construire.

 

Quels freins rencontrez-vous dans l’exercice de vos missions sur ce territoire ?

La principale difficulté est de coller à la réalité du marché en temps réel alors que la publication des actes est décalée. Nous avons connu une très forte progression des prix jusqu’en 2024. Aujourd’hui, les transactions sont «  à l’arrêt ». Il n’est pas toujours évident de coller à cette réalité en temps réel.

 

Existe-t-il une inadéquation entre l’offre immobilière et la demande locale ?

Avec l’activité touristique, le problème du logement se joue à plusieurs niveaux : la location saisonnière est très importante et fragilise de manière importante la location à l’année le long de la côte. De la même manière, les prix de l’immobilier risquent d’écarter les primo-accédants de la côte basque et landaise.

 

Qu’est-ce qui vous motive le plus dans l’exercice de votre profession sur ce territoire ?

Chaque rencontre avec une famille ou un chef d’entreprise est riche d’enseignement. Les personnes parlent rarement d’argent. Mais de leur histoire, de la place qu’ils ont eu au sein de leur famille, d’un patrimoine qu’ils ont construit et qu’ils ont à cœur de transmettre.

Nous sommes sur un territoire de tradition, de transmission, et cela a encore du sens… En cela, notre rôle est important car, en apportant neutralité et compétences, nous sécurisons des familles, des chefs d’entreprises dans la concrétisation de leur opération.

 

Auriez-vous un conseil à donner à un jeune professionnel souhaitant exercer dans la même région ?

Je suis en train de le faire … Mon conseil ; c’est avant tout de bien se former, pour avoir les compétences nécessaires : les enjeux financiers sont de plus en plus importants. Il est essentiel de ne pas être un imposteur dans ce métier.

Par ailleurs, les clients sont parfois persuadés d’être dans le « vrai » et il faut avoir suffisamment de connaissances pour argumenter et expliquer sans juger.

 

Un dernier mot ou une anecdote sur votre expérience locale ?

J’ai expertisé récemment un airial situé à 3 km du centre-bourg d’un petit village du nord des Landes. La personne qui vivait-là avait condamné la salle de bain, le mobilier était minimaliste, un simple banc en bois posé dans le salon en lieu et place du canapé.

Pour annexe, une vieille grange en bois où stationnait le véhicule. Lorsque j’ai demandé à ouvrir la grange, le propriétaire m’a indiqué qu’il n’osait plus le faire, par peur que la grange s’effondre. Je lui ai rappelé que la voiture était à l’intérieur, il m’a confié qu’il n’utilisait plus la voiture pour cette raison.

La maison étant à 3 km du village, en forêt, il utilisait désormais son vélo (sans assistance électrique) pour chacun de ses déplacements…

Dans le même temps, un candidat- acquéreur de la région parisienne était prêt à racheter cette maison 700 000 €.

Deux mondes qui se rencontrent mais qui n’ont absolument pas la même vie …

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